Pour faire chauffer de l'eau une simple casserole suffit tout à fait… pour la verser correctement et la garder au chaud, c'est moins évident. Si l'on rajoute l'aspect esthétique, la bouilloire est un des piliers du promeneur sur la voie du thé. Mais en cas de besoin, une petite casserole en inox de qualité peut tout à fait servir. Un test simple, pour évaluer l'action d'un récipient sur l'eau, consiste à y faire chauffer de l'eau, la laisser refroidir, puis la goûter en la comparent à la même eau non chauffée. Si elles ont le même goût ou un léger goût agréable… c'est plutôt bon signe ! Nous avons donc 4 possibilités principales pour faire chauffer de l'eau :
casserole inox de qualité : à condition de réserver la casserole à cet effet, c'est une solution tout à fait envisageable pour chauffer l'eau. De petite taille et à fond épais.
bouilloire électrique à thermostat ou pas : c'est un peut la solution de facilité, mais bien pratique en nomade. La choisir sans résistance apparente et de petite contenance (-1,2 litre) et avec une ergonomie adaptée et équilibrée pour verser l'eau.
bouilloire en grès ou en verre : c'est certainement le choix le plus cohérent et le meilleur rapport qualité-prix. Le verre étant supposé neutre et les bonnes bouilloires en grès, type Lin's Ceramics, apporter un petit plus à l'eau.
bouilloire en fonte non émaillée souvent désignée par son nom japonais. : tetsubin. Bien que d'origine chinoise, les bouilloires en fontes non émaillées sont surtout produites au Japon de façon artisanale. En plus d'un apport esthétique évident et d'un sentiment d'intemporalité, il y a une altération du goût de l'eau que certains trouvent bénéfique pour certains thés.
Il existe bien sûr des bouilloires en toutes sortes de matériaux aluminium, cuivre galvanisé, fer émaillé…) qui ont l'avantage d'être bon marché mais moins prisées par les amateurs de thé pour leur effet sur l'eau. Mais rien n'empêche d'essayer et de juger par soi-même…
Bouilloires pour le thé – (10 images)
La bouilloire électrique est un outil pratique pour le thé qui malheureusement est moins évident au niveau esthétique et gustatif. Même en prenant une à résistance cachée, la chauffe est toujours violente et à tendance à malmener un peu l'eau… mais elle en a vu d'autres ! Quand on acquiert un ustensile pour le thé, il faut toujours penser à l'utilisation pratique de la chose et dans le cas présent à sa maniabilité. Certaines sont énormes et déséquilibrées, donc peu pratiques pour verser de l'eau délicatement et en rotation sur les bords d'un gaiwan. Personnellement je privilégie les bouilloires avec bec qui ressemblent à des théières, on sait au moins qu'elles sont faites pour verser… Objectivement les bouilloires à thermostat sont bien pratiques, et pourvu qu'on les remplisse assez, suffisamment précise au niveau température (+ ou - 3°C).
La bouilloire en terre a quelque chose de fascinant dans sa rusticité et en même temps sa fragilité. Probablement une des premières manières pour chauffer l'eau et faire des infusions de plantes. Les premiers vestiges de chaudron et bol en argile remontant à près de 20 000 ans dans la grotte de Xiānrén dans la province du Jianxi au centre de la Chine. Chose amusante, cette fameuse grotte se trouve à à peine 120 km de Jingdezhen, capitale historique de la porcelaine chinoise, dont le secret longtemps convoité par l'Occident résidait en partie dans la fameuse terre du Mont Gaolin qui donna le mot français « kaolin ». Mais cette archaïque bouilloire en terre a les mêmes qualités et défauts qu'il y a 20 000 ans : l'eau se mélange à la terre et la rend malléable, le feu chasse l'eau de la terre et la rend dure, grâce au feu la terre peut maintenant garder l'eau sans s'y mélanger. Mais cette alchimie est fragile et se trouvera souvent brisée : la terre retourne à la terre… ou de nos jours, à la poubelle. Mais à part ça la bouilloire en grès est certainement l'alliée naturelle de l'eau…mais elle n'est ni l'amie des enfants, ni des femmes de ménage… ;-)
La tetsubin est certainement un bel « objet d'art », mais malheureusement coute cher : + de 500€ pour une vieille tetsubin qui ne sera pas toujours exempte de défauts (rouille, fuites, odeurs persistantes…). Là aussi, à moins d'être un expert en la matière, on ne peut que conseiller l'achat d'une tetsubin neuve (à partir de 200€) qui demande aussi un minimum d'entretien afin de ne pas rouiller : Ne pas faire chauffer directement sur une flamme de gaz (utiliser un diffuseur de chaleur en fonte), la vider complètement après usage et la chauffer pour évaporer l'eau restante. L'aura mystico-magique qu'entoure les tetsubins antiques est largement contrecarré par l'état dans lequel la plupart se trouvent, rongées par la rouille et recouvertes de calcaire.
Théière de Yixing
L'utilisation d'une théière par rapport au gaiwan se justifie pleinement dans le cas où l'on recherche un apport spécial à l'infusion ou une température maximum. La Zisha de Yixing est une argile aux propriétés uniques (poreuse avec une forte concentration en oxyde de fer) qui après avoir été concassée est mise à vieillir pendant des dizaines d'années avant d'être utilisé. Son mode de fabrication diffère également de la poterie traditionnelle au tour : la terre est roulée en colombin, puis battue pour être aplatie et assemblée comme de la pâte à modeler. Tout cela fait de la théière de Yixing un objet artisanal de haute facture qui modifie parfois les liqueurs en bien, en favorisant la diffusion des minéraux et apportant à la liqueur une texture plus riche. L’absorption progressive des huiles aromatiques par les parois renforcera le caractère du thé, pourvu que l'on y infuse toujours le même type de thé.
Modelage d'une théière de Yixing avec le maître potier Zhou Gui Zhen
Ce qui est sûr c'est que les vraies théières en Zisha de Yixing ont un caractère, bon ou mauvais et une capacité en montée et maintient de la température que n'a pas un gaiwan en porcelaine. Et puis c'est un bel objet, qu'on a plaisir à tenir en main et à utiliser, à humer et à regarder pour certaines. Leur seul point faible : le prix ! Sans parler des Yixing de collection ou là on rentre dans un autre domaine, une théière contemporaine de potier faite dans une bonne argile Zicha coute entre 100 et 300€, voire plusieurs milliers si le potier est un peu coté… Là aussi beaucoup de mythes, beaucoup de snobisme et beaucoup de vendeurs peu scrupuleux. Attention aux théières prétendument de Yixing vendues dans les bazars chinois ou certaines boutiques de thé. Il s'agit souvent de théières qui ressemblent à, voire même qui sont produite à Yixing, mais par des techniques industrielles avec des argiles communes, ou carrément en moule avec de la glaise liquide. Le choix d'une théière de Yixing (type de argile, forme, épaisseur des parois, température de cuisson) étant tellement vaste et sujet à débat qu'on se limitera à noter ceci :
Parois fines et cuisson de la glaise à haute température (son cristallin quand on la tapouille) plutôt pour les Wulong
Parois épaisses et cuisson moins poussée (son plus gras) plutôt pour les Puerh.
Pour ceux qui lisent l'anglais, les conseils plus détaillés de Daniel Lui, How To Choose a Chinese Teapot, intéressants à lire, mais pas forcément à suivre.
Quelques belles de Yixing – (8 images)
Pour un amateur curieux, ça peut valoir la peine (financière) et la joie (infantile) d'acquérir une théière de Yixing pour le Puerh cru. Bien entretenue une telle théière se gardera et surtout se bonifiera toute une vie… si on ne la casse pas avant ! Rappelons tout de même que la théière de Yixing est une théière à mémoire, c'est-à-dire qu'elle garde trace des diverses infusions qui la traversent et de se fait ne peut être utilisée qu'avec un même type de thé pour rester accordée. Chacun jugera l'intérêt d'un tel investissement pour plusieurs familles de thés.
La prépartion du thé en théière de Yixing
Théières européennes
Même si la théière de Yixing est un peu la « reine des théières », elle ni la seule ni la plus adaptée à toutes les situations. Les thés verts et thés aux fleurs apprécient grandement la porcelaine qui garde mieux l'intégrité de leurs subtiles flaveurs. La tradition du thé à la menthe en théière métallique, de l'english breakfast dans une théière en grès épais… La terre Zisha supportant mal la cuisson en grandes tailles, la théière de Yixing est donc plutôt petite ou moyenne, ce qui peut s'avérer parfois un handicap. Enfin, il y a de très belles théières produites par des potiers européens tout au long de l'histoire, et il serait dommage de se passer de leur compagnie.
Ma petite collection de théières – (12 images)
La théière en grès émaillé n'étant pas poreuse elle ne s'imprègne pas des caractéristiques des thés qu'elle infuse, même s'il est préférable de la culotter et de l'utiliser qu'avec un même genre de thé. Par ailleurs, le rendu plus neutre des infusions permet des dégustations plus « cliniques » ou comparatives de nouveaux thés. Ce fut d'ailleurs en grande partie une tentative de percer le secret des théières de Yixing qui motiva des céramistes anglais comme Josiah Wedgwood qui créa chimiquement en 1775 le « Jasperware » (nommée ainsi par analogie au jaspe). Pour une fois que ce ne sont pas les chinois qui copient… ;-) Enfin il existe aussi des théières européennes de qualité en grès non émaillé comme celles du céramiste David Louveau, qui agissent de façon assez semblable à celles de Yixing, avec une approche artistique différente. Le seul danger dans l'achat de théières différentes c'est qu'on peut facilement devenir accro !