cha THÉ

Histoire du thé – 4/4
Le merchandising

Du Long Jing au Coca Cola

La grande majorité du thé qui se vend aujourd'hui est techniquement du thé « frelaté. Alors rajouter quelques feuilles de sauge ou de réglisse à du thé ne peux pas être pire que ses mélanges aux relents nauséabonds vendus dans la plupart des boutiques de thés ou ses sodas « au thé » type Lipton Ice Tea composé de : Eau, sucre, sirop de glucose-fructose, acide citrique, extraits de thé (0,14%), jus de pêche (0,1%), arôme, acide ascorbique… miam, miam… ça donne envie !

Le thé dans l'histoire (9 images)

Comme pour sa préparation, il y a pour la production du thé deux approches principales : 
 – La production artisanale, où la démarche est plus une quête, celle d'un « nectar divin », ou qui s'en rapprocherait…
 – La production industrielle où le but recherché est très clairement la le profit maximum et immédiat.
Bien que la production du thé fut extrêmement bien organisée en Chine elle n'en restait pas moins une approche artisanale, voire artistique, de petits producteurs ou villages. Curieusement (pour le pays qui possèdent les plus grandes usines du monde) c'est toujours cette approche qui est privilégiée pour les thés AOC (Appellation et Origine Contrôlées).

En 1834, la British East India Company (toujours elle…), pour compenser la perte de son monopole du commerce, entreprit de devenir aussi productrice en créant des jardins et des factories de thé dans l'Assam et Darjeeling indien. Elle y fit parvenir 20 000 plants et recruta des maîtres de thé chinois pour former le personnel local. La variété Sinensis Assamica se révéla la mieux adaptée au climat chaud et devint la référence pour l'Inde (premier producteur mondial) et Ceylan. Aujourd'hui encore, la plupart des thés produits dans le monde proviennent de cette variété. En 1880, Thomas Lipton, homme d'affaires écossé et pionnier de la grande distribution, racheta massivement à Ceylan (actuel Shri-Lanka) des plantations de café en faillites, décimées par « la rouille du café ». Il planta du thé à la place, parce que ça se vendait bien… avec dès le départ une approche industrielle et marketing agressives.

Chose nouvelle, le thé était vendu en paquet scellé avec une marque, « Lipton » et un slogan : « Direct from the tea garden, to the teapot ! ». Thé de qualité médiocre, mais au goût puissant et amer, obligeant de rajouter des arômes artificiels ou à être consommé avec du sucre et du lait, M. Lipton fit bien sûr fortune rapidement…

Le branding

Saga Lipton (5 images)

Le « Branding » était né… et l'on consommera du Lipton comme on consommera du Coca ou du Ketchup, un goût préfabriqué et convenu en sachet, en cannette, en granulés… sans curiosité, sans passion, sans mystère !

Le vrai thé, tel que les Chinois ou les Japonais le buvaient, ne fut que briévement importé en Europe aux débuts du commerce, avant d'être remplacé par un produit plus adapté aux longs transports maritimes et aux goûts occidentaux. Et il fallut attendre les années 1970 et l'ouverture de l'Occident sur les cultures du monde (au sens propre comme au figuré) pour avoir une chance de goûter des thés authentiques sur notre vieux continent… Et même aujourd'hui, la consommation en Europe de thé d'origine en feuilles, représente à peine 5 à 7% du marché… Pourquoi me direz-vous ? Les thés AOC coûtent chers, et les Chinois, contrairement au reste du monde, ne les vendent pas aux enchères, ils en fixent les prix. Un thé vert de qualité en AOC, sera vendu par un producteur entre 30 et 150 €/kg et se retrouvera en boutique entre 100 et 500 €/kg. D'un autre côté, au niveau du marché mondial le prix du kg d'un thé de base (type noir CTC) se négocie autour de 1,5 €/kg… En y rajoutant quelques parfums artificiels et quelques petites fleurs, le prix passera à 20 à 30 €/kg en gros et à 40 à 60 € au détail. Ceci explique peut-être cela…

Comble de l'ironie, le thé authentique, au goût unique et émouvant, doit en partie sa diffusion et son prestige aux moines bouddhistes et taoïstes qui le consommaient pour garder « l'esprit éveillé ». Aujourd'hui, plus de 90% du thé vendu dans le monde est devenu une « boisson caféinée » au goût convenu et préfabriqué que l'on consomme comme n'importe quel soda ou soupe minute, pour garder l'esprit vaporeux et shooter le corps en caféine…

Fin « histoire du thé »