Puerh cru (Sheng)
Le Puerh cru est une catégorie de thé bien à part, puisque d'une part on utilise essentiellement les larges feuilles de théiers Assamica du Yunnan et qu'il est le seul à subir une vraie post-fermentation de type bactérienne, comme le vin ou le fromage. Son nom vient de la ville éponyme du Yunnan, qui fut une plaque tournante des caravanes de la route du thé. Province du sud-ouest de la Chine, grande comme les 3/4 de la France, à la frontière du Tibet, de la Birmanie, du Laos et du Vietnam… 26 ethnies possédant chacune leur culture, leur organisation sociale, leur langue et parfois leur écriture y cohabitent. Les Dai, les Bulang (qui occupent la région depuis plus de 2000 ans), les Hani, les Lahu… y pratiquent la fabrication du Puerh de façon ancestrale. Les théiers sauvages et semi-sauvages du Yunnan, du Laos et du Vietnam sont les vestiges de la culture millénaire du thé, où traditionnellement chaque village plantait ou entretenait des théiers dans les montagnes environnantes. Au niveau botanique se sont aussi les théiers les plus authentiques et les plus variés qui restent encore sur terre. Certains d'ailleurs sont impropres à la consommation et ne sont utilisés que comme médecine.
Bien qu'il puisse être consommé jeune et souvent astringent comme un thé vert, le Puerh cru mettra 10 à 30 ans pour atteindre son apogée. C'est donc un thé de garde, millésimé et d'appellation contrôlée comme le vin ! Et comme pour le whisky, on distingue 2 types de galettes :
– la « Single estate » composée de la même récolte qui donne les liqueurs les plus racées.
– la « Recipe » qui est un mélange de feuilles (voire d'années) visant à obtenir un peu toujours le même type de goût d'année en année, parfois excellente, mais plus prévisible.
Théiers sauvages du Yunnan – (8 images)
Traditionnellement le procédé est divisé en 5 étapes :
- Flétrissage
- Kill green (arrêt de l'oxydation des feuilles)
- Roulage
- Séchage au soleil
- Réhumidification à la vapeur & Compression
Contrairement aux autres thés, on ne souhaite pas obtenir un Mao Cha totalement inerte. La difficulté du traitement est de garder un peu des bactéries présentes sur les feuilles qui participeront à la fermentation ultérieure. Car le pu-erh, tout comme le vin, est vivant, il s'affinera avec le temps, selon la température et l'humidité du local aéré où il est conservé à l'abri de la lumière. Cette évolution, souvent mystérieuse, parfois décevante, avec des phases de sommeil, a fait que le gramme de certains vieux pu-erh a dépasser le prix de l'or… Juste retour pour cette quête alchimiste !
Documents à télécharger :
Tableau de vieillissement du Puerh
Petit lexique franco-chinois du thé
Pour ceux qui souhaitent des infos détaillées sur la fabrication du Puerh, on ne saurait que trop recommander le site d'Olivier Schneider : puerh.fr
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La fabrication du Puerh (vidéo en chinglais)
Puerh cuit (Shu)
Bien que le pu-erh cuit existe depuis la nuit des temps, les camarades ingénieurs chinois ont mis au point dans les années 60 un procédé permettant d'accélérer le vieillissement du pu-erh cru, alors réservé à la « bourgeoisie décadente » ;-)
Après torréfaction, les feuilles passent par une sorte de compostage contrôlé. Humidifiées et mises à couvert sous une bâche on les laisse se décomposer quelques jours. Le goût caractéristique d'humus mouillé vient de là et reste souvent prédominant. De qualité moindre que le cru (pour 95% de la production), les feuilles sont parfois compressées en forme de nid (Tuo Cha), brique ou galette, ou tout simplement vendues en vrac. C'est le pu-erh que l'on trouve le plus souvent en Occident dans les rayons diététiques des magasins, comme thé « amaigrissant ».
Thés aux fleurs et fleurs de thé
Les thés aux fleurs (hua cha) sont une spécialité chinoise millénaire réalisée à partir de thé vert ou de Wulong, à ne pas confondre avec les « thés » aromatisés artificiellement et yahourtisés avec de « vrais morceaux de fruits » (thés qui représentent 75% du chiffre d'affaires de la plupart des boutiques de thés). Les fleurs utilisées sont l'osmanthus, le chrysanthème, le jasmin, le lotus, la rose… Les thés aux fleurs sont obtenus par la mise en contact de fleurs fraichement cueillies avec les feuilles de thé encore chaudes après dessiccation. Quand le thé est suffisamment imprégné des huiles essentielles de la fleur, les pétales sont enlevés et le thé séché à nouveau. L'opération peut être répétée jusqu'à 7 fois, comme pour les perles de jasmin. Ou encore, le procédé du thé au lotus vietnamien, qui consistait traditionnellement à déposer délicatement une étoffe de soie remplie de thé dans le calice du lotus pour le laisser s'imprégner de son parfum durant la nuit… so romantic !
Un petit mot sur les fleurs de thé qui sont des compositions de feuilles de thé « tressées » à la main qui ont la particularité de s'épanouir dans l'eau d'infusion. Le spectacle visuel est agréable et souvent le thé aussi bien que l'infusion se rapproche plus d'une tisane aux fleurs que du thé. Mais il y a une poésie vraiment séduisante dans cette pratique, qui nécessite une théière transparente en verre… pensez-y si vous offrez des fleurs de thé, sinon ça n'a aucun intérêt !
Conclusion
Il existe bien sûr des variations dans ces principaux traitements ainsi que d'autres types de thés (jaune, fumé…) et des spécialités locales comme le thé torréfié dans des bambous évidés, ou la choucroute de thé du Laos… Mais en tant qu'amateur de thé, l'essentiel est de comprendre les principes qui permettent d'obtenir un thé stable et de retenir que là aussi, 2 approches cohabitent :
– L'approche artisanale, qui privilégie le goût et l'authenticité du produit (AOC).
– Et l'approche industrielle mise au point par les Anglais au XIXe siècle, basée sur la quantité et la productivité, et essentiellement destinée à shooter en caféine, les masses laborieuses… |