cha THÉ

Préparation du thé : l'Art

L'adaptation est l'essence même de la vie… les cérémonies figées, les règles à respecter religieusement nous en éloignent. Dans la pratique du thé l'important est d'apprendre à avoir confiance à ce que l'on ressent plus qu'à ce qu'on l'on croit. Par exemple, j'ai toujours était choqué par le gaspillage d'eau dans la pratique du Gong Fu Cha. Il y a 500 ans en Chine, les sources claires coulaient en abondance. Aujourd'hui l'eau de source est une denrée rare et précieuse, j'essaye de l'utiliser avec parcimonie et je ne fais pas ma vaisselle avec… Et si bien sûr la transmission de l'expérience est une chose capitale, son assimilation est bien plus intéressante…

Comme pour le terme lui-même,功夫茶Gong Fu Cha, littéralement, « Accomplissement à travers la pratique du thé » avec des dizaines de traductions différentes. Comme dans la culture française on parle de l'art culinaire et de la pratique de la musique ou du Tai Qi, je dis volontiers, L'art de préparer le thé ou plus simplement La pratique du thé… mais certainement pas « cérémonie du thé » !

L'approche visuelle

Le Chaxi 茶席, qu'on pourrait traduire par installation autour du thé, au sens employé en art moderne. Le Chaxi est une approche esthétisante et naturaliste où l'aspect visuel fait partie intégrale de la pratique du thé. Bien qu'originaire de Chine continentale il est surtout populaire à Taiwan et au Japon dans sa forme Chanoyu.

Set de théLa beauté des Chaxi (8 images)

Maintenant dans la pratique, ça demande une pièce ou un coin réservé à cet effet… évidemment en ville au prix du m2, c'est un luxe que personnellement je n'ai pas. Mais rien n'empêche d'agencer à son goût l'endroit où l'on servira le thé et d'y mettre un peu de sérénité…

Le savoir-faire

Lorsqu'on regarde un potier monter une pièce sur son tour, on est surpris par la facilité du geste, lorsqu'il nous explique comment faire, c'est aussi enfantin… Ça commence à se gâter quand on essaye de mettre en pratique en jetant une boule terre sur le tour et en essayant d'en faire quelque chose… Oui c'est simple, mais ce n'est pas facile !

Le Gong fu cha est avant tout une pratique, un savoir-faire par lequel on apprend à regarder, sentir, écouter le thé… et peut-être plus que le thé. Certains en on fait une « cérémonie » voire une religion, d'autres une attraction folklorique pour touristes ou nouveaux riches. Tout le monde n'aura pas les moyens de se payer des voyages aux pays du thé, des théières de Yixing en terre rare, des tetsubins en argent massif ou des galettes de vieux Puerh… qui s'en souci ? La capacité à apprécier, la créativité dans la préparation, la curiosité gustative, ne s'achètent pas  ! Le meilleur thé est celui que l'on aura su préparer et apprécier au mieux…

Expérimenter…

Comme dans toute activité, la priorité absolue c'est la sécurité des personnes. Même si ce n'est pas du saut à l'élastique, on va être amené à manipuler de l'eau bouillante et des récipients brûlants et l'on aura mainte occasion de se brûler plus au moins sérieusement. Ne pas hésiter à tester la bouilloire ou l'ustensile avant de le saisir ou d'utiliser une serviette pour manipuler la bouilloire ou un gaiwan brûlant. On n'a pas tous la même sensibilité à la chaleur… Avec de l'eau chaude, on peut s'entraîner à verser dans un gaiwan ou une théière, à les manipuler sans thé, pour ne pas gâcher, tout en prenant son temps et en évitant brûlures et casse (ah le nombre de gaiwans dont j'ai cassé le couvercle…).

Comme dans toute pratique, faire des erreurs n'est pas un problème, c'est même ce qui permet d'avancer. Le problème c'est de faire toujours les mêmes. Donc, si comme moi, on n'a aucune mémoire des quantités, ne pas hésiter à marquer les données de ses essais, la température de l'eau, la poids de thé, le temps d'infusion… histoire de comprendre pourquoi le résultat était satisfaisant ou pas. Dans tout promeneur sur la voie du thé il y a une quête un peu alchimiste et le secret espoir de, un jour, transformer la liqueur de thé en ambroisie des dieux…

Le processus physico-chimique

L'infusion est un processus physico-chimique relativement simple : à partir d'une quantité de thé et d'eau données, la concentration augmente en fonction de la durée, de la température d'infusion et de l'agitation, jusqu'à arriver à saturation. Il suffit donc de connaître les 8 facteurs principaux qui influent sur l'infusion finale, pour en domestiquer le processus. En ayant bien sûr, pris soin de choisir une eau de source adaptée à la préparation, un thé de qualité et d'opérer dans un environnement tempéré (de 15 à 25°C) :

  1. Quantité de thé : la pesée est le moyen le plus fiable
  2. Forme et type des feuilles : feuilles fines ou brisées (Sencha, Dargeeling…) = - de temps pour les premières infusions. Feuilles roulées ou compressées (Tie Guan Yin, Puerh…) = + de temps pour s'ouvrir lors des premières infusions
  3. Quantité d'eau : mesurer l'eau ou remplir toujours le récipient à infuser à ras bord.
  4. Température de l'eau : comme dans beaucoup de processus chimiques, l'élévation de température active les échanges solide/liquide.
  5. Température ambiante : tant que l'on reste dans des températures moyennes (entre 10 et 20°C), l'influence est minime, mais dès que l'on rentre dans des températures de grand froid oude canicule, l'influence se fait sentir nettement.
  6. Agitation / circulation de l'eau : agit de façon assez proche de l'augmentation de température, d'où l'importance des feuilles flottant dans la théière et non comprimées dans une boule à thé.
  7. Temps d'infusion : prendre en compte le vidage de la théière lorsque les temps sont très cours.
  8. Récipient infuseur : Selon l'ustensile et la manière de l'utiliser, il aura des capacités différentes à conserver ou dissiper la chaleur. Une théière de Yixing à parois épaisses, bien préchauffée et remplie à ras bord a des capacités isothermes remarquables. À l'inverse un gaiwan en porcelaine très fine, rempli à moitié et sans couvercle agira comme un dissipateur de chaleur
Variables thé moins fort thé plus fort
Quantité de thé - +
Forme des feuilles fermées, entières ouvertes, hachées
Quantité d'eau + -
Température eau - +
Temp. ambiante - +
Agitation - +
Temps d'infusion - +
Récipient infuseur dissipateur isotherme

Se rappeler que les composants du thé ne se dissolvent pas au même rythme ni à la même température. De ce fait l'infusion ne va pas évoluer qu'en intensité, mais aussi en composition.

Température infusion

Des conditions extrêmes de froid, de chaleur ou d'altitude vont avoir un impact direct sur le résultat obtenu. Par exemple, la température d'ébullition est directement liée à la pression atmosphérique : à 1000m, l'eau bouillante ne fait déjà plus qu'environ 96°C. Et si vous voulez vous faire un thé en haut du Mont-Blanc (4800m) l'eau bouillira à 84°C… très bien pour les thés verts, mais un peu juste pour les Puerh !
Concernant le temps d'infusion pour les différents thés, il y a des dizaines de tables qui circulent sur Internet et aucune n'a jamais vraiment fonctionné pour moi. Ma table d'infusion ne fonctionnera probablement pas plus pour vous… Si on ne connaît pas du tout un thé, on peut partir de façon totalement empirique sur : Gaiwan / 5 gr / 15cl d'eau à 85°C / 30s.
On obtiendra probablement un résultat buvable, mais ensuite il faudra certainement ajuster la température et (ou) le temps.

Apprécier le thé, ce n'est pas forcément en boire souvent ou beaucoup. Ce n'est pas non plus posséder les thés les plus rares et les plus dispendieux. Rareté et simplicité participent grandement à la beauté de la rencontre…