Histoire du thé – 1/4
Le thé en Chine
Depuis la nuit des temps, l'homme s'est battu avec les éléments pour survivre. En hiver ou en période de disette, racines, feuilles d'arbres et fruits séchés servaient à préparer des brouets de survie. Aussi il est logique qu'une des plus anciennes recettes écrites de thé qui nous soit parvenue comprenait les ingrédients suivant : Sel, racine de gingembre, oignons, écorce de mandarine, feuilles de thé… et probablement tout ce qui tombait de comestible sous la main. Il est aussi fort plausible qu'à l'instar des feuilles de coca, de maté de tabac ou de bétel le thé fut mâché pour ses propriétés énergétiques et antiseptiques buccales… D'ailleurs on mâche parfois encore les feuilles infusées dans certaines campagnes chinoises.
Bodhi-Dharma, sous le règne de l'empereur Xuanwudi, avait fait vœu de ne pas dormir pendant les sept années de sa méditation. Pourtant à la cinquième, la lassitude l'envahit. Fort heureusement, la providence lui fit cueillir et mâcher des feuilles de thé…
On sait qu'il y a au moins 3000 ans que le thé est consommé comme aliment et utilisé dans la pharmacopée chinoise. Un texte rédigé en 59 avant J.C. (dynastie des Han), raconte que la noblesse, les moines et les gens fortunés buvaient du thé au quotidien.
Vers 780 Lu Yu consignera, dans son Cha Jing (Classique du Thé), l'origine, les modes de culture, de fabrication et de préparation du thé. À cette époque le thé était déjà un bien de grande valeur, faisant partie du tribut à verser à l'empereur et servait aussi de monnaie sous forme de brique compressée et estampillée.
Généralement on divise l'histoire du thé en trois grands âges correspondant à son mode de consommation :
- thé bouilli en brique
- thé battu en poudre
- thé infusé en feuilles
L'âge du thé bouilli
Sous la dynastie Tang (618 - 907), le thé était bouilli. On le façonnait en briques de thé compressé qui supportaient mieux les longues et rudes caravanes des routes du thé qui allaient de la Chine du Nord à la Mongolie et du Yunnan au Tibet. On pouvait ajouter des ingrédients comme des oignons, du gingembre, du beurre… Le thé est d'ailleurs toujours consommé ainsi au Tibet, en Mongolie et de façon assez proche en Inde. Cette technique primitive a aussi longtemps été pratiquée par les paysans du Japon, Laos, Vietnam… elle a le mérite d'être efficace et pratique, mais ce n'est certainement pas le « choix du gourmet » ! |
L'âge du thé battu en poudre
Elle est à son apogée sous la dynastie Song (960 - 1279). Le thé était finement moulu par une meule en pierre avant d'être battu à l'eau par un fouet en bambou. Cela produit une sorte de mousse de thé, agréable à boire, mais facilement amère et très théinée. Cette technique qui fut importée au Japon en 1191 par le moine Eisai perdure toujours dans le Chanoyu (littéralement « L'eau chaude pour le thé ») et connue en France sous le nom de Cérémonie du thé. Cette pratique très codifiée reste d'une beauté formelle et esthétique puissante, notamment dans les objets usuels. Le thé lui n'est pas nécessairement le meilleur que l'on puisse boire… Chaque geste est signifiant mais un peu guindé et martial. La voix du samouraï n'est pas loin… d'ailleurs un des pères fondateurs du Chanoyu, Sen no Rikyû (1522-1591 en mouru en se faisant Seppuku (Hara-Kiri).
Le Chanoyu (5 images)
L'âge du thé infusé en feuilles
Sous la dynastie Ming (1368 - 1644), les méthodes d'affinage se sophistiquèrent ; le thé n'était plus en brique ou en poudre, mais en feuilles qu'on laissait infuser. Le thé fut importé en Europe à cette époque et donc consommé ainsi… Jusqu'à la mainmise de l'industrie agroalimentaire sur un art millénaire, réduit en quelques décénnies en un vague shoot de caféine et de sucre, en sachets, poudre et autres sodasserie en bouteille… Les cendres de Lu Yu ont du se retourner dans leur urne ;-)
Le marché du Thé et du Cheval, créé sous les Song (960 - 1279), permit à la Chine en échangeant du thé contre des chevaux avec les tribus Mongoles, de former sa puissante cavalerie militaire qui joua un rôle décisif dans la conquête et la protection de son immense empire. Les tribus nomades du Nord-Ouest souffraient de maladies digestives chroniques, dues à une alimentation pauvre en fruits et légumes frais. Le thé leur apporta un réconfort qui leur devint vite indispensable, et prit dès lors une forte valeur de troc.
Les empereurs accros au thé (4 images)
Plusieurs empereurs furent de vrais accros et esthètes du thé. Song Huizong (1082-1135), poète, peintre, musicien, théiste… composa le Da Guan Cha Lun, (Le traité du thé) et fut à deux doigts d'abdiquer pour assouvir sa passion de l'art. L'empereur Quianlong (1711-1799), parcourut le pays à la recherche des sources d'eau les plus pures qu'il consigna dans un traité et donna nom à deux grands crus verts : Le Bi Luo Chun et le Long Jing, dont on récolte et vénère encore de nos jours les 18 plants qu'il a semés… |