Dégustation du thé – 1
Dans son Classique du thé, Lu Yu dit que « l'on ne peut jamais discerner la qualité d'un thé simplement en percevant son goût ou en respirant son arôme… »
Pour certains, la profondeur, l'évolution et la persistance du goût et des sensations définissent plus la qualité d'un thé que le goût en lui-même. Des termes chinois comme hui gan, hóu yún, sont difficiles à traduire (persistance en bouche, persistance en gorge ?). Voir le
petit lexique de dégustation
Le thé autour du monde (9 images)
Les flaveurs
Nous prenons essentiellement conscience des saveurs que nous savons nommer, ou tout au moins représenter, ne serait-ce que par un souvenir ou une image. Notre sensibilité et réactivité est très différente selon les saveurs. Le sucré est perçu dans un rapport de 1/200, le salé de 1/400, l'acide 1/100 000 et enfin l'amer 1/2 millions ! Le goût est le sens où il existe une très grande différence de sensibilité entre les personnes dans un rapport de 1/500, pour des raisons aussi bien physiologiques innées que culturelles et de savoir-faire. Mais de même que tout le monde n'aura pas l'oreille absolue ou ne pourra devenir Mozart même en prenant des cours de solfège, tout le monde ne peut devenir, « nez » pour la parfumerie, ou dégustateur de thé professionnel (tea taster). Mais oui bien sûr, tout le monde peut apprécier pleinement la musique et tout le monde peut être porté et enivré par la musique du thé… Comme dit le proverbe : C'est pas ceux qui ont les plus grandes oreilles qui entendent le mieux ! Car il bien faut discerner la capacité analytique
et celle d'appréciation.
Les familles aromatiques
Les palettes aromatiques sont parfois très riches et complexes, aussi le classement par familles est un peu limitatif, mais permet d'exprimer les traits dominants et de dialoguer entre amateur de thé, œnologue, cuisinier, parfumeur…tout en comprenant que l'approche analytique du thé n'est pas la seule, ni complète en soi. Habituellement en Europe, on distingue les familles aromatiques suivantes :
- végétale (herbe sèche ou humide, sous-bois, foin, champignon...)
- boisée et balsamique (bois sec, planche ou arbres tels que sapin, cèdre, chêne, eucalyptus...),
- florale (camélia, lotus, rose, jasmin, tilleul...),
- fruitée (agrumes, fruits exotiques, fruits secs, fruits cuits)
- plantes aromatiques et épices (anis étoilé et graines, réglisse, noix de muscade, poivre, girofle...)
- animale et organique (laine, fourrure, cuir, musc, sueur...)
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- empyreumatique (fumé, brûlé, tabac, grillé, carné...)
- minérale (craie, silex, hydrocarbure...)
- métallique (fer, cuivre, aluminium…)
- pâtisserie (miel, cacao, chocolat, caramel...)
- anormales (cave ou serpillière moisie, rance, chlore...).
Quelques roues des arômes (5 images)
L'approche analytique
Il y a 5 éléments principaux dans l'appréciation d'un thé :
- visuel
- olfactif
- tactile
- gustatif
- énergétique
1. Chez l'être humain, la première approche de séduction est souvent visuelle… Le lieu lui-même, la table, la théière, la boite à thé, les tasses, la manière dont il est servi… Donnent-ils envie de déposer son fardeau, d'aller plus loin, de découvrir l'essence du thé ? Sans décorum, ni ustensiles tape-à-l'œil, juste les outils pour préparer et apprécier un bon thé…
2. Le second contact est l'olfaction directe par inspiration : on commence par flairer la liqueur directement dans la tasse ou en utilisant une « tasse à sentir » une cuillère en porcelaine ou le couvercle d'un gaiwan.
3. Au-delà des arômes et du goût, il y a toute une palette de sensations à découvrir dans une tasse de thé. Lors de cette 3e étape en prenant le thé en bouche, on va pouvoir apprécier la texture de la liqueur en contact avec les muqueuses ainsi que son interaction avec nous-mêmes. Les grands thés sont souvent soyeux et confortables, ils se laissent glisser naturellement dans la gorge et donnent un sentiment d'intimité profonde. Après avoir avalé la liqueur, on perçoit ou pas, une sensation dans la gorge souvent veloutée et rafraîchissante.
4. Au moment de déglutir a lieu la rétro-olfaction, rapide expiration d'air par le nez entraînant un appel d'air dans la bouche. Ce « courant d'air » balaie les zones sensibles de l'odorat nous permettant de percevoir fugacement (ou pas), cinq saveurs de base : sucré, salé, acide, amer, umami. Elles peuvent se développer en
- notes de tête (celles qui arrivent en "avant-première")
- notes de cœur (celles qui constituent le noyau gustatif)
- notes de queue (celles qui persistent, le thé bu)
5. La dernière perception du thé, qui peut durer plusieurs heures, sera peut-être son 茶气 Cha Qi, l'essence même du thé. Pour bien préciser, le Cha Qi n'a rien avoir avec une excitation physique éventuelle due à la caféine ! Mais on rentre là dans un domaine quasi ésotérique et qui est loin de faire l'unanimi-thé. Disons que c'est une possibilité…
> l'approche intuitive
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